Against censorship targeting works of art! Justifications of these censorships in the whole of Europe all operate on the same model. The spectator has no chance. No chance of feeling valued, unless he places himself in the same mind-frame and along the same criteria as the orator. Some personify him through his “stupidity”, others as subject to the mechanics of “media formatting”, while others speculate on his incoherent perceptions and his inability to really understand works of art. These discourses about the spectator draw around him a topology of spectatorial darkness that leads to a certain conclusion: the spectator should not be left alone in front of Works of art as he is incapable of drawing anything out of them by himself! Outside of the authors of these discourses, who exempt themselves of these accusations, 2 orientations emerge: either find ways to accompany the spectator in order to overcome these lacking competences, or censure works of art to prevent the spectator from taking them in the first degree and imitating what they present. Thus goes the spectator’s essential condition: everything evades him, he is incapable of correctly apprehending works of art, and must remain under the authority of those who “know”.
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Die wiederholten Zensurverfügungen weckten auch das Interesse des Fernsehens, Ist die öffentliche Aufführung eines Kunstwerk von einer Behörde untersagt worden ? So können sich die als Zuschauer des Kunst in Betracht fallenden Personen auf die (in der Meinungsäusserungsfreiheit enthaltene) Informationsfreiheit berufen, welche insbesondere das Recht garantiert, ohne behördliche Kontrolle Nachrichten oder Ideen zu empfangen und sich eine Meinung zu bilden. Insofern sind sie auf Europäische Ebene zur Beschwerdeführung gegen den Entscheid der Zensurbehörde berechtigt.
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Si mundemi ti bejm balle censures kunder veprat e artit ?
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Dans un grand nombre de discours, le spectateur n’a pas de chance. Pas l’ombre d’une chance de se trouver valorisé, sauf si son attitude entre dans les critères de l’orateur. Tandis que les uns personnifient en lui la « bêtise », les autres ne l’entendent que soumis à l’action lourde et mécanique du « formatage médiatique », et les derniers ne cessent de spéculer sur ses perceptions incohérentes et son incapacité à comprendre vraiment les œuvres d’art. Ces discours au sujet du spectateur dessinent une topologie des ténèbres spectatoriales qui ne manque pas de les conduire vers une conclusion certaine : le spectateur ne doit pas être livré seul aux œuvres d’art et à n’importe quelle œuvre, puisqu’il n’en peut tirer quoi que ce soit par lui-même !
En dehors du fait qu’à cette condamnation échappent évidemment les rédacteurs de ces discours, deux orientations en résultent : ou bien chercher les moyens d’accompagner le spectateur afin de pallier les compétences qui lui manquent ; ou bien censurer les œuvres en arguant que le spectateur risque de les prendre « au premier degré » et d’imiter ce qu’elles proposent.
Ainsi va la condition essentielle du spectateur : tout lui échappe, il est incapable d’appréhender les œuvres correctement, et doit demeurer sous le magistère de ceux qui savent.
A ceux qui s’étonnent parfois de rencontrer ces propos invariables, répétitifs mais abondants, à notre époque, lesquels relient les « dangers de l’image » à la « nullité » du spectateur, il convient de rappeler qu’ils remplissent une fonction précise. Ils visent la condamnation de l’image elle-même, sous prétexte d’un soi-disant effet immédiat sur le spectateur, et ils visent le spectateur en voulant le soumettre du fait de sa soi-disant absence de contrôle se soi. Ils visent moins à traiter du danger des images qu’à mettre les images en danger, de telle sorte que les spectateurs ne les fréquentent pas et soient maintenus en dehors du champ de la décision. Ils déploient une stratégie qui enchaine la nécessité de la suppression des images au maintien de l’ignorance dans laquelle est tenue le spectateur.
Ce n’est pas exagérer la portée de ces discours que de saisir en eux une tentative consistante pour contourner ou nier la liberté du spectateur, représentée au moins par la latitude qu’il pourrait avoir de tracer par lui-même des écarts entre ce qu’on faire croire de lui et ce qu’il est capable d’entreprendre.
Le procès intenté au spectateur
Ces manières de concevoir le spectateur méritent d’autant plus d’être évoquées qu’elles renforcent, a contrario, par leur outrance même, l’idée que se passe tout autre chose du côté du spectateur. En ne cessant de glisser d’un mépris à un autre – de l’image, des médias, de la cité -, elles montrent tout simplement que l’on se méfie de la puissance possible du spectateur. Par la violence du procès qu’elles intentent à ce dernier, elles exercent enfin une très forte pression sur ceux qui souhaiteraient parler autrement du spectateur, et en particulier les spectateurs eux-mêmes si jamais ils désirent prendre la parole sur leur sort.
Mais quelles sont donc la nature et la fonction de ce procès ? Sa nature est aisée à saisir : décrire le spectateur en naïf et dupe à la fois, voué à la légèreté de ses jugements, et à l’inconstance de ses positions. Description qui est moins remarquable par sa densité que par sa manière de construire une hiérarchie entre les spectateurs, un partage qui n’a guère besoin d’étais autre que l’évidence d’une distinction. Sa fonction est politique : en vertu de la condamnation, il est légitime de maintenir le spectateur sous le magistère de quelques maîtres.
Dans ce procès, l’argument le plus souvent utilisé est celui-ci : le spectateur serait la proie sans cesse égarée des effets de réel produits par l’œuvre (figurative du moins). Parfois aussi par les œuvres contemporaines qui travaillent sur le décalage infime par rapport au réel… Par conséquent, il s’identifierait immédiatement au contenu proposé (au contenu le plus prégnant, et le plus violent). Il vivrait dès lors l’œuvre d’art comme une machine à donner des ordres : tu dois exécuter ce que l’image te dit ; tu dois agir ainsi ; …
En restant sur le seul plan du spectateur – alors qu’on devrait aussi analyser le mode de considération de l’image ainsi conçu -, on voit que l’argument qui aboutit à la condamnation des œuvres/imagesvia le spectateur repose sur une pathologisation de la spectatorialité. Le spectateur ne fonctionnerait que sur le mode d’une sensibilité privée de raison, se laisserait par conséquent prendre, rapter par l’image, parce qu’il y adhèrerait par faiblesse et/ou incapacité. Manque de capacité à prendre des distances, manque de volonté, soumission à la puissance de l’image, voire formatage de son regard, c’est tout un. Chacune de ces déclarations à son sujet conduit vers le final d’un procès en bonne et due forme du spectateur.
Le tribunal – qui occupe la position du meilleur juge, celui qui permettra aux « autres » d’ouvrir les yeux –, outre les tenants et les ressorts du procès, a aussi les aboutissants en main. Sa ligne d’interprétation peut, cependant, produire deux résultats différents. Soit qu’il juge alors nécessaire de transmettre à tous les bons outils afin de bien éclairer chacun sur l’œuvre à voir et sur la manière de la voir ; soit qu’il juge nécessaire de censurer les œuvres afin de ne pas prendre le risque d’une réaction mécanique du spectateur.
Ces deux logiques se rejoignent dans leur présupposition (pas dans leurs effets). D’un côté, la logique de la transmission pensée causalement péjore le spectateur incapable de penser par lui-même. De l’autre, la logique de la censure péjore le spectateur incapable de résister à la pression de l’œuvre.
Deux logiques qui s’annulent
Cela étant, elles ne se contentent pas de se rejoindre. Elles s’invalident l’une l’autre.
La logique de la transmission est la plus classique, la plus valorisée aussi dans le droit fil de la philosophie des Lumières. Selon elle, les « éclaireurs » doivent éduquer le peuple, susciter la bonne curiosité du spectateur, l’aider à bien comprendre les images. Leur travail prend sens à partir d’une hiérarchie entre « bon » spectateur et « mauvais » spectateur, qui n’exclut pas le passage d’un terme à l’autre. Il y a conversion envisageable du « mauvais » en « bon », même si le spectateur est toujours appréhendé comme un « être ». Grâce à elle, nous dit-on, tout « mauvais » spectateur se muera en « bon » spectateur au point que l’on peut même viser dès maintenant l’idéal d’une société future dans laquelle ne s’exprimeront que de « bons » spectateurs.
De son côté, la logique de la censure ne se borne pas à supprimer les œuvres pour un « mauvais » spectateur. Elle s’élève aussi contre la logique de la transmission, et contredit l’idylle d’une société de « bons » spectateurs. Elle affirme qu’aucun passage n’est possible du « mauvais » au « bon ». Elle fige les positions des uns et des autres, puisque les uns n’auront droit à rien, ils sont trop « mauvais » spectateurs, et les autres jugeront et censureront pour les premiers au nom du droit qu’ils ont, eux, de regarder l’œuvre afin de décider de ce qui est « bon » pour les autres.
Cette logique de la suppression se justifie effectivement par des phrasés particuliers. Ils consistent à considérer que le spectateur ne doit pas être agressé par les œuvres d’art qui le rendront agressif, qu’il ne doit pas se heurter à la violence des images qui le rendront violent, le discours est banal. Ils consistent aussi à jouer avec la notion de catharsis : le spectateur risque de s’identifier à ce qu’on lui montre au point de se laisser emporter par l’œuvre à des actes regrettables. Ils requièrent enfin que le spectateur consente à son affaiblissement puisqu’on ne veut même pas lui montrer des œuvres dont on prétend simultanément qu’il s’en scandaliserait si on les exposait, ou dont on espère qu’il s’en scandaliserait dans ce cas.
Paradoxalement, par conséquent, la logique de la censure annule les efforts de la logique de la transmission, qui puise pourtant aux mêmes sources. Affirmant que le spectateur est incapable de juger, et donc qu’il faudrait, en toute justice et pédagogie, l’éclairer, elle requiert la censure. Elle ne souhaite même pas aller au devant d’un scandale ou d’une indignation de la part de spectateur, qui pourrait, sans doute, se sentir parfois outragé. Ce qui serait au moins une occasion de discuter. Elle supprime le problème et la solution.
Si la première logique tient aux Lumières, la seconde inverse les Lumières.
Les présupposés de la réception
En s’invalidant l’une l’autre, ces deux logiques révèlent qu’elles reposent sur des présupposés communs, concernant la réception des œuvres d’art (puisque nous évoquons ici la corrélation spectateur-œuvre, et non les œuvres mêmes), si ce terme « réception » est, de son côté, adéquat aux problèmes posés.
Au cœur des propos déployés, on remarque d’abord que leurs auteurs s’interdisent de penser l’autonomie artistique de l’œuvre d’art, tout autant qu’ils n’arrivent pas à concevoir l’autonomie du spectateur.
En s’interdisant cette double dimension, acquise historiquement, de l’art d’exposition, ils refusent de tenir compte de la distinction foncière, constitutive de l’œuvre d’art moderne, entre la fiction (artistique) et la réalité, même si l’œuvre la pose en l’abolissant par ses effets. La notion moderne de fiction, qui accompagne depuis le XVIII° siècle la conception de l’œuvre d’art, est décalée par eux, à partir d’une théorie de la représentation littérale du réel par l’œuvre (se dont l’œuvre classique se joue, dans l’illusion qu’elle produit).
De même qu’ils se trompent sur l’œuvre, à propos de son statut fictionnel (et de son principe d’engendrement de fictions), en inversant ce présupposé, ils inventent des mythes du spectateur (souvent complétés de mythes de spectateurs). Ils en énoncent la posture en terme d’essence, posant l’existence d’un spectateur en soi. Ils élaborent de sa contemplation une représentation mystique (impact, influence, …). mais ils la contredisent simultanément en postulant l’existence d’un spectateur formaté (soumis en soi) par les médias, et dont on ne pourrait rien tirer puisqu’ils se cantonnerait à savourer les seules œuvres du marché instauré par les industries culturelles.
Enfin, pour revenir à la « réception », ces propos sont traversés par une conception mécanique celle-ci. Les dossiers d’accusation du procès fait au spectateur sont montés à partir d’une conception mécanique de la réception : telle cause (l’image) implique tel effet (la réaction du spectateur), l’œuvre agit directement sur l’esprit du spectateur, et le façonne en fonction de ses exigences propres. Comme si la réception d’une œuvre d’art relevait d’une sorte de contrat mécanique : je te donne et tu prends… L’art y passe pour une prestation publicitaire… L’œuvre contiendrait une simple « information », à appréhender.
Le ressort dernier de ces propos n’est guère difficile à déceler : ils choisissent de maintenir le spectateur à la place qui lui est assignée.
C’est bien cela qu’il conviendrait de remettre en question, si on devait prolonger cette réflexion en ce sens. En montrant que : l’illusion artistique ne consiste pas à être berné en soi ; qu’il faut toujours penser en termes de corrélation (rapport, participation, interférence entre œuvre et spectateurs et spectateurs entre eux) ; que le spectateur résulte de la dissymétrie entre le spectateur inclus dans l’œuvre et le spectateur réel ; qu’une œuvre n’impose pas un sens, n’anticipe pas ses effets ; que le spectateur, qui ne l’est pas d’abord, vient à l’œuvre avec son histoire, son horizon d’attente (classements de l’époque, éducation, facilités de conversion ou non, stéréotypes, schèmes collectifs, …) ; qu’il se reconfigure dans le rapport à l’œuvre, y construit des significations variables, joue du spectaculaire, de la fiction, de la réalité, de la fable, de l’artistique, de l’esthétique, et de l’argumentatif (en prolongeant la visite par la discussion) ; que, de toute manière, on peut comprendre une œuvre sans apprécier, on peut tolérer sans endosser, admettre sans discuter ou discuter pour admettre, …
De la « liberté » du spectateur
A tous les niveaux de discours, la négation de la confiance du spectateur en l’exercice de son jugement et de sa capacité à penser l’œuvre est patente. De toute manière, la question de la liberté du spectateur est moins celle de savoir si on lui laisse le soin d’interpréter les œuvres comme il veut, ou de savoir si on lui laisse la liberté d’aller chercher dans les œuvres ce qu’il veut. C’est le sens habituel de cette formule. On doit faire remarquer à ce propos qu’il s’agirait là plutôt du spectateur en liberté. Et non de la liberté du spectateur.
Par cette expression « liberté du spectateur », il faut entendre une liberté en acte. Le spectateur n’existe pas en soi, mais dans la corrélation avec une œuvre et d’autres spectateurs. Il s’éveille en chacun de nous par l’événement plus ou moins attendu de la rencontre avec une œuvre et les autres. C’est ce moment qui doit être garanti. Enlevez à l’art sa dimension de proposition faite à un futur spectateur, et vous détruisez l’acte même qui rend possible les exercices esthétiques et cette trajectoire.
En cela, la liberté du spectateur peut se concevoir selon quatre dimensions articulées.
Une liberté de fait, sans doute le degré le plus bas de la liberté. Elle est liée au fait qu’on ne doit rien imposer ni interdire à quelqu’un en matière d’approche possible de l’œuvre, dans une exposition, un lieu d’art et de culture. Pas plus qu’on ne doit imposer d’accepter ou de refuser de voir une œuvre.
Une liberté morale, ensuite, ou un deuxième degré de liberté. Même si on conseille une personne sur la manière d’aborder une œuvre ou sur l’intérêt d’une œuvre, elle doit elle-même faire l’effort de l’aborder et de ne l’aborder d’abord qu’avec son propre bagage.
Une liberté civile encore. Le spectateur fait de son regard, de son audition, ce qu’il veut au sein de sa personne, et en lien avec ses activités et les autres.
Une liberté politique enfin, le degré le plus élevé de la liberté et qui consiste à souligner que le spectateur doit sans cesse se battre pour préserver tout ce qui précède, à l’encontre du respect des assignations qu’on voudrait obtenir de lui, des confiscations d’œuvres et des censures.
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